Par Selomé Esayas
Lorsque le Premier ministre Abiy Ahmed est arrivé au pouvoir en 2018, l’Éthiopie semblait avoir trouvé un leader visionnaire pour la guider vers une nouvelle ère. Après des décennies de régime autoritaire sous la coalition EPRDF, Abiy a promis de rompre avec le passé. Il a parlé avec éloquence de l’unité, de la réconciliation et de la transition vers une véritable démocratie. Au départ, son mandat a suscité beaucoup de bonne volonté et d’espoir.
Cependant, en relativement peu de temps, il est devenu clair que les nobles visions d’Abiy ne sont pas suivies de résultats. Malgré sa rhétorique, le pouvoir reste concentré dans le bureau du Premier ministre. Les réformes démocratiques qu’il défendait sont au point mort ou ont fait marche arrière. Au lieu d’apaiser les divisions, sa politique les a attisées. Après une première période d’optimisme, l’Éthiopie d’Abiy semble se diriger vers un plus grand péril.
Les racines de cette situation résident dans la vision messianique d’Abiy qui se considère comme le leader unique capable de résoudre les problèmes du pays. Il a renoncé à la recherche de consensus et à l’inclusion en faveur d’une approche descendante centrée sur sa propre volonté. Plutôt que de mener à bien le dur travail de renforcement des institutions, il a acquis un contrôle personnel et purgé les opposants présumés. Il compte également largement sur le soutien d’alliés extérieurs comme les Émirats arabes unis.
L’accent mis par Abiy sur des projets tape-à-l’œil, comme la construction de complexes hôteliers et d’un complexe de palais de plusieurs milliards de dollars, semble déconnecté de la réalité alors que les Éthiopiens ordinaires sont confrontés à une inflation élevée et à des difficultés économiques. Ce sont là d’autres manifestations de ses priorités et de son leadership malavisés.
Même si Abiy a dissous la coalition au pouvoir de l’EPRDF, l’ordre politique ethnique reste en place. Il n’a pas réussi à apaiser les divisions cultivées sous ses prédécesseurs et a plutôt jeté de l’huile sur le feu. Cet état d’esprit a sapé la promesse d’une transition de l’Éthiopie vers une démocratie progressiste.
Le droit à la liberté de réunion et d’expression a été bafoué par les forces de sécurité agissant en toute impunité. Le paysage médiatique ouvert par Abiy est une fois de plus devenu restrictif en raison de règles de censure opaques.
Ces actions antidémocratiques ont créé un terrain fertile pour que les insurrections armées puissent prendre racine et se développer. Abiy a rejeté la résistance naissante comme étant l’œuvre d’éléments criminels et de « forces anti-réforme ». Il a rejeté les négociations en faveur d’offensives militaires qui ont encore attisé les tensions. Sa seule solution était de consolider son contrôle personnel, et non de faire les concessions nécessaires.
Le résultat est que l’État éthiopien est confronté à des pressions croissantes et à des troubles violents sans précédent depuis des décennies. De grandes parties de l’Oromia, de l’Amhara et d’autres régions ont échappé au contrôle du gouvernement. Les milices ethniques prennent le dessus tandis que les forces fédérales sont démoralisées et débordées.
Pendant tout ce temps, Abiy s’est montré peu disposé à réfléchir ou à rectifier le tir. Il continue de prétendre que ce sont les provocateurs et les acteurs étrangers qui sont responsables de la crise, et non ses propres politiques ratées. Sa rhétorique alterne entre l’exaltation de l’unité éthiopienne et la diffamation des dissidents internes qui refusent de se conformer à la ligne officielle.
Abiy se tourne désormais de plus en plus vers sa région natale d’Oromia, qui en fait sa principale base politique. Il se tourne vers les responsables du parti régional Oromo pour faire respecter son autorité. Cette érosion de la neutralité en tant que chef de l’État aliène encore davantage les autres groupes.
Essentiellement, Abiy a rejeté le dur travail de construction d’un État démocratique en faveur du culte de la personnalité. Il favorise un sentiment de destinée messianique plutôt que de gouverner par le dialogue et le consensus. Sa rhétorique mystique peut trouver un écho auprès de certains, mais elle souligne également sa déconnexion croissante des réalités sur le terrain.
Plutôt que de servir de figure unificatrice, le poste de Premier ministre d’Abiy Ahmed est ainsi devenu une source de discorde grandissante. Ses actions unilatérales ont anéanti les espoirs d’une transition démocratique en douceur. La nation est désormais confrontée à une situation précaire en raison de l’engagement rigide d’Abiy envers ses ambitions et ses visions personnelles.
Cependant, il n’est pas trop tard pour sortir du gouffre. Le destin de l’Éthiopie n’est pas uniquement lié à un seul homme, même s’il tente de se présenter comme indispensable. La voie à suivre réside dans un retour à un ordre juridique équilibré et à des pratiques de partage du pouvoir qui ont longtemps maintenu une unité relative.
Toutes les parties prenantes doivent être réintégrées dans un cadre de transition partagé. Cela nécessite qu’Abiy lève l’état d’urgence, mette fin aux arrestations massives et libère les prisonniers politiques. Des négociations de bonne foi devraient viser à organiser une réconciliation nationale lorsque les conditions le permettent.
Plus important encore, les dirigeants éthiopiens doivent écouter la voix de la population plutôt que de dicter d’en haut. Les promesses de réforme et de démocratie faites par Abiy doivent enfin se concrétiser dans la pratique. Ce n’est qu’en passant d’une vision messianique centrée sur un seul homme à un véritable pluralisme que le pays pourra surmonter ses divisions et atteindre son potentiel. L’avenir de l’Éthiopie devrait être décidé par tous les Éthiopiens.
Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de .com.
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